La Chambre a approuvé une loi qui rend possible l’accomplissement d’actes de prostitution (travail du sexe) en exécution d’un contrat de travail.
Actuellement, les travailleurs du sexe ne peuvent pas exercer leur profession avec un contrat de travail. Il est en effet punissable d’organiser la prostitution d’autrui dans le but d’en retirer un avantage. Les employeurs se rendraient coupables de l’infraction de proxénétisme.
Cela va bientôt changer, bien que le législateur lie des conditions à l’emploi d’un travailleur du sexe avec un contrat de travail.
Employeurs agréés
Les employeurs qui souhaitent occuper des travailleurs du sexe doivent obtenir un agrément des autorités. Pour ce faire, l’employeur doit démontrer qu’il satisfait à une série de conditions.
Il est notamment obligatoire que l’employeur soit une personne morale. Les administrateurs doivent se faire connaître et ne peuvent pas avoir de casier judiciaire avec des condamnations pour des faits d’agression, de viol ou d’homicide volontaire, entre autres.
Les employeurs qui ne remplissent plus les conditions peuvent perdre leur agrément et sont alors redevables d’une indemnité de préavis aux travailleurs du sexe qui travaillent pour eux.
Conditions de travail sûres
Les employeurs doivent assurer un environnement de travail sûr.
Les travailleurs du sexe doivent disposer d’un bouton d’urgence qui les met immédiatement en relation avec la personne de référence. Les syndicats et les organisations qui veulent garantir le bien-être des travailleurs du sexe doivent avoir accès au lieu de travail.
Les employeurs qui ne remplissent plus ces conditions peuvent perdre leur agrément et sont alors redevables d’une indemnité de préavis aux travailleurs du sexe qui travaillent pour eux.
Droit de refuser
Les travailleurs du sexe ont à tout moment le droit d’arrêter l’activité sexuelle, de la refuser ou d’y associer leurs propres conditions, avec maintien du salaire.
L’employeur ne peut pas attacher de conséquences négatives, comme une sanction ou un licenciement, à l’exercice de ces droits. Si l’employeur le fait quand même, il risque de devoir verser une indemnité de licenciement égale à six mois de salaire.
Les travailleurs du sexe ont en outre le droit de mettre fin au contrat de travail sans délai de préavis ni indemnité de préavis.
Entrée en vigueur
La loi a été adoptée par la Chambre des représentants et est donc définitive, mais doit encore être publiée au Moniteur Belge.
Les nouvelles règles entreront en vigueur à partir du premier jour du sixième mois qui suit le mois de la publication de la loi.
Quelles sont les implications pour l’employeur ?
Il sera bientôt possible d’employer des travailleurs du sexe avec un contrat de travail.
Les employeurs qui veulent le faire doivent d’abord obtenir un agrément des autorités, dans le cadre duquel ils doivent répondre à des conditions strictes.
Les employeurs devront prendre des mesures sur le lieu de travail afin de garantir un environnement de travail sûr aux travailleurs du sexe.
1. Contrat de travail pour les travailleurs du sexe
1.1. Contrat de travail ordinaire
Le contrat de travail pour les travailleurs du sexe est un contrat de travail ordinaire selon la Loi sur les contrats de travail, dans le cadre duquel un travailleur du sexe :
effectue, sous l’autorité d’un employeur
contre paiement d’un salaire
des actes de prostitution.
Toutes les règles du droit du travail et du droit de sécurité sociale sont d’application sur le contrat de travail. Pensez à la durée du travail, à la protection du salaire et au bien-être au travail. Toutefois, quelques exceptions s’appliquent.
1.2. Exceptions
Le travail du sexe avec un contrat de travail n’est pas autorisé pour :
les étudiants ;
les mineurs d’âge ;
les travailleurs occasionnels ;
les flexi-jobistes.
Le contrat de travail pour les travailleurs du sexe doit obligatoirement être conclu par écrit au plus tard au moment du début des prestations.
L’employeur doit disposer d’un agrément des autorités (voir plus loin) et le contrat de travail écrit doit contenir le numéro d’agrément de l’employeur.
L’employeur doit tenir une copie du contrat de travail, au format électronique ou sur papier, à la disposition de l’inspection sociale à l’endroit où le règlement de travail peut être consulté.
L’employeur ne peut pas mettre un travailleur du sexe engagé par lui à la disposition d’un tiers qui fait usage des services de ce travailleur du sexe et qui exerce sur celui-ci une part quelconque de l’autorité appartenant à l’employeur. Le travail intérimaire est également interdit.
1.3. Impossibilité provisoire du travail à domicile
Le travail à domicile pour un travailleur du sexe est provisoirement interdit et ne sera possible que dans les circonstances suivantes :
un arrêté royal doit fixer des conditions relatives à la sécurité, à la santé et au bien-être du travailleur du sexe travaillant à domicile
et
la commission paritaire compétente doit conclure une convention collective de travail sur la manière d’organiser :
le contrôle des lois sociales au domicile ; et
l’enregistrement du temps de travail presté ; et
l’intervention de l’employeur dans les frais du travailleur.
De toute façon, le travail à domicile n’est possible que moyennant l’accord écrit préalable du travailleur du sexe. L’accord est valable pour une période maximale de six mois, mais est systématiquement renouvelable.
2. Employeurs agréés
Les employeurs qui veulent recruter des travailleurs du sexe doivent d’abord obtenir un agrément des ministres de la Justice et du Travail. Un arrêté royal doit encore déterminer la procédure de demande à suivre par les employeurs.
Pour obtenir un agrément, les employeurs doivent répondre aux conditions suivantes :
l’employeur doit être constitué comme une personne morale ayant la forme légale d’une société à responsabilité limitée, d’une société coopérative ou d’une ASBL. Le siège social ou le siège d’exploitation doit se situer en Belgique ;
les statuts de la société ou de l’association doivent indiquer que l’employeur ne peut pas contraindre le travailleur à accomplir un quelconque acte de prostitution et que le travailleur du sexe a le droit de refuser les activités sexuelles, de les arrêter ou d’y imposer ses propres conditions.
les administrateurs doivent être identifiés par leurs nom, prénom et numéro de registre national ;
les administrateurs ne peuvent pas avoir été condamnés au titre de certaines infractions (agression, viol, voyeurisme, homicide volontaire,…) Même si l’employeur a obtenu un agrément, les administrateurs doivent continuer à satisfaire à cette condition.
Les employeurs qui emploient des travailleurs du sexe sans agrément se rendent coupables de l’infraction de proxénétisme.
Si un employeur ne satisfait pas aux conditions d’agrément, les autorités peuvent retirer ou
suspendre l’agrément.
Si les autorités retirent l’agrément, l’employeur ne peut plus employer de travailleurs du sexe. Ceux-ci ont alors droit à une indemnité de préavis à charge de l’employeur, conformément aux dispositions de la Loi sur les contrats de travail.
Chaque année, le service public compétent transmet la liste des employeurs agréés à la commission paritaire compétente.
3. Conditions de travail sûres
Outre l’obligation d’obtenir un agrément, l’employeur doit garantir un environnement de travail sûr aux travailleurs du sexe pendant l’emploi :
quel que soit le nombre de travailleurs qu’il emploie, l’employeur doit désigner une personne de confiance conformément à la Loi relative au bien-être.
Si l’employeur emploie 20 travailleurs ou plus, l’employeur doit désigner au moins une personne de confiance faisant partie de son propre personnel ;
ni les administrateurs ni le personnel dirigeant ne peuvent avoir été condamnés pour certaines infractions (agression, viol, voyeurisme, homicide volontaire…) ;
l’employeur ne peut pas déléguer à des sous-traitants l’exercice de l’autorité patronale et les obligations qui lui incombent à l’égard de ses travailleurs ;
l’employeur doit désigner une personne de référence. Celle-ci doit veiller à ce que l’employeur organise le travail du sexe de manière sûre et doit être joignable en permanence par les travailleurs de l’entreprise. L’employeur en informe les travailleurs du sexe par écrit ;
chaque pièce où est effectué le travail du sexe doit être équipée d’un bouton d’urgence, qui permet au travailleur du sexe de contacter immédiatement la personne de référence. Les travailleurs du sexe qui travaillent en dehors des locaux de l’employeur doivent disposer d’un bouton d’urgence mobile ;
l’employeur doit accorder l’accès aux locaux :
aux organisations socio-médicales qui veulent garantir le bien-être des travailleurs ;
aux associations professionnelles de travailleurs du sexe et aux syndicats.
Un arrêté royal fixera encore des conditions supplémentaires en matière de sécurité et de santé, dont les dimensions minimales des chambres et les conditions d’hygiène.
Les employeurs qui emploient des travailleurs du sexe sans satisfaire à toutes les conditions se rendent coupables de l’infraction de proxénétisme. En outre, les autorités peuvent retirer ou suspendre l’agrément.
Si les autorités retirent l’agrément, l’employeur ne peut plus employer de travailleurs du sexe. Ceux-ci ont alors droit à une indemnité de préavis à charge de l’employeur, conformément aux dispositions de la Loi sur les contrats de travail.
4. Droit de refuser
Personne ne peut être contraint d’accomplir un quelconque acte de prostitution. Cela se traduit par les droits suivants des travailleurs du sexe :
- Les travailleurs du sexe ont le droit, à tout moment, de refuser d’avoir des rapports sexuels avec un client ou d’accomplir certains actes sexuels, de cesser ou d’interrompre l’activité sexuelle ou d’y associer des conditions.
- Un travailleur du sexe peut refuser un acte d’exposition (comme le fait de s’exposer en vitrine) lorsqu’il y a un risque d’atteinte à sa sécurité ou son intégrité.
Lorsque le travailleur du sexe fait usage d’un de ces droits (et refuse donc de travailler pour ce motif), cela ne peut en aucun cas être considéré comme un manquement à l’exécution du contrat de travail (insubordination) de la part du travailleur du sexe. En outre, aucune conséquence négative, comme une sanction disciplinaire ou un licenciement, ne peut être attachée à l’exercice de ce droit pour le travailleur du sexe.
En cas de refus, le travailleur a le droit de s’absenter du travail, avec maintien de sa rémunération.
Si le travailleur a fait usage du droit de refuser plus de dix fois sur une période de six mois, l’employeur ou le travailleur ont la possibilité de demander l’intervention des autorités. Un arrêté royal doit définir quel service public sera compétent à cet effet. Ce service public entendra les parties et examinera les dispositions en matière de bien-être au travail.
En outre, les obligations, droits et procédures sur la base de la Loi relative au bien-être restent d’application dans le cadre de l’emploi de travailleurs du sexe.
- Un travailleur du sexe peut à tout moment mettre fin au contrat de travail sans devoir respecter un délai de préavis ou payer une indemnité de préavis à l’employeur.
Si le travailleur du sexe demande une allocation de chômage, l’ONEM doit tenir compte de la spécificité du travail du sexe.
5. Protection contre le licenciement et contre le traitement défavorable
L’employeur ne peut pas adopter une mesure défavorable à l’encontre du travailleur du sexe ou le licencier au motif que celui-ci exerce le droit de cesser un acte d’exposition ou une activité sexuelle, de refuser cet acte ou cette activité ou d’y associer des conditions.
La protection est valable jusqu’à six mois après l’exercice du droit de refuser.
Le travailleur bénéficie également de la protection contre le licenciement si l’employeur le licencie après la période de protection, mais que pendant la période de protection :
l’employeur a déjà pris la décision de licenciement ; ou
des actes préparatoires au licenciement ont été pris avant le licenciement.
Si l’employeur met tout de même en œuvre une mesure défavorable ou un licenciement, il supporte lui-même la charge de la preuve que cette mesure n’a rien à voir avec le refus du travailleur du sexe. À la demande du travailleur, l’employeur fournit ces motifs par écrit au travailleur.
Si l’employeur ne peut prouver aucun autre motif, il risque de devoir payer les indemnités suivantes :
en cas de licenciement injuste, des dommages et intérêts forfaitaires équivalents au salaire brut de six mois. Le travailleur peut cumuler l’indemnité avec une indemnité de préavis.
en cas de mesure défavorable injustifiée, des dommages et intérêts équivalents :
à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire brut, ou
au préjudice réellement subi
Aucune cotisation ONSS n’est due sur les indemnités.
6. Commission paritaire
Il n’est pas encore clair quelle commission paritaire sera compétente pour les travailleurs du sexe et leurs employeurs agréés.
En octobre 2023, les partenaires sociaux ont proposé une extension du domaine de compétence de la commission paritaire de l’industrie hôtelière (CP 302). Il ne s’agissait que d’une première étape, qui a donné aux parties intéressées la possibilité de formuler leurs remarques.
Une commission paritaire n’est effectivement modifiée que lorsqu’un arrêté royal en dispose expressément. Cela n’a pas encore été fait pour le moment.
7. Sanctions
Les employeurs qui ne respectent pas les conditions de la loi ou qui emploient des travailleurs du sexe sans agrément valable commettent l’infraction de proxénétisme. Cette infraction est sanctionnée par une peine d’emprisonnement d’un an à cinq ans et par une amende de 500,00 euros à 25.000,00 euros.
Les employeurs risquent une amende administrative de 200,00 à 2.000,00 EUR ou une amende pénale de 400,00 à 4.000,00 EUR (niveau de sanction 2) :
s’ils n’établissent pas le contrat de travail des travailleurs du sexe par écrit, s’ils ne l’établissent pas à temps ou s’ils l’établissent de manière incorrecte ou inexacte ;
s’ils ne tiennent pas une copie du contrat de travail à la disposition de l’inspection sociale à l’endroit où le règlement de travail peut être consulté.
L’amende est multipliée par le nombre de travailleurs concernés.
Les employeurs risquent une amende administrative de 400,00 à 4.000,00 EUR ou une amende pénale de 800,00 à 8.000,00 EUR (niveau de sanction 3) s’ils :
ne désignent pas de personne de confiance ;
ne désignent pas une personne de confiance faisant partie du personnel s’il y a 20 travailleurs ou plus.
Les employeurs risquent une amende de 2.400,00 à 24.000,00 EUR, une amende pénale de 4.800,00 à 48.000,00 EUR et une peine d’emprisonnement de 6 mois à 3 ans (niveau de sanction 4) s’ils :
occupent un mineur comme travailleur du sexe ;
mettent un travailleur du sexe à la disposition d’un tiers qui fait usage des services de ce travailleur du sexe et qui exerce sur celui-ci une part quelconque de l’autorité appartenant à l’employeur. Le tiers-utilisateur risque la même sanction.
L’amende est multipliée par le nombre de travailleurs concernés.
8. Entrée en vigueur
La loi a été adoptée par la Chambre des représentants et est donc définitive, mais doit encore être publiée au Moniteur Belge.
Les nouvelles règles entreront en vigueur à partir du premier jour du sixième mois qui suit le mois de la publication de la loi.