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Licenciement d'un travailleur atteint d'un cancer : peut-on encore le faire ?
Jurisprudence 20/02/2018
Publié le 13/03/2018

L'arrêt reconnaît les conséquences du cancer comme un handicap

 

Hier, un récent arrêt de la Cour du Travail de Bruxelles a largement mobilisé la presse nationale. Pour la première fois, les conséquences du cancer étaient reconnues comme un handicap.

 

Concrètement, un employeur avait licencié sa travailleuse en pleine rémission d'un cancer. La travailleuse souhaitait reprendre progressivement son travail, mais l'employeur ne l'entendait manifestement pas de cette oreille et l'a licenciée. 

 

La Cour du Travail a estimé que la maladie de longue durée de la travailleuse l'empêchait de participer réellement à la vie professionnelle sur un pied d'égalité avec les autres travailleurs. La proposition de la travailleuse de reprendre progressivement le travail indiquait aussi une limite au niveau de la participation complète, réelle et sur un pied d'égalité avec les autres travailleurs à la vie professionnelle. Sur cette base, la Cour du Travail a décidé que la travailleuse en question souffrait d'un handicap.

 

Étant donné que l'employeur, en raison du licenciement soudain, manifestait un refus d'apporter des adaptations raisonnables, il a enfreint la législation antidiscrimination. L'employeur avait été condamné au paiement de dommages et intérêts équivalant à 6 mois de salaire.

 

Licenciement d'un travailleur atteint d'un cancer : peut-on encore le faire ?

 

Franchement, oui ! L'arrêt n'a pas touché au pouvoir de licenciement de l'employeur. Un licenciement est et reste donc toujours possible, avec ou sans répercussions financières pour l'employeur.

Source:
Cour du Travail Bruxelles 20 février 2018, AR2016/AB/959.

Sommaire

1. Le licenciement est possible, pas la discrimination

L'employeur peut toujours licencier unilatéralement un travailleur, sauf si la loi interdit formellement le licenciement. Et même dans ce dernier cas, une résiliation est et reste possible. Le travailleur peut alors avoir droit à une indemnité (de protection). Ce pouvoir de licenciement est un principe de base de la législation belge sur le travail.

 

La loi antidiscrimination de 2007 nuances quelque peu ce pouvoir de licenciement et interdit entre autres la discrimination sur la base d'un handicap et de l'état de santé actuel ou futur.

 

Ainsi, le licenciement pour cause de handicap est une discrimination interdite lorsqu'il n'est pas basé sur une exigence professionnelle réelle et déterminante. Le refus d'apporter des adaptations raisonnables pour un travailleur handicapé est également considéré comme une discrimination interdite. Enfin, le licenciement basé sur une incapacité de travail de longue durée est aussi une discrimination interdite lorsque l'employeur ne peut pas justifier le licenciement d'une manière objective et raisonnable.

 

Les dommages et intérêts en cas de violation de la législation antidiscrimination ne sont pas minimum et équivalent à 6 mois de salaire. De plus, le travailleur peut également avoir droit à une indemnité pour un licenciement manifestement déraisonnable. Cela se chiffre rapidement à entre 3 et 17 semaines de salaire.

2. Qu'est-ce qu'un handicap et que sont des adaptations raisonnables ?

La notion de handicap n'est pas définie par la loi. La jurisprudence de la Cours de Justice comble cette lacune. Un état de maladie, qui empêche le travailleur de participer à la vie professionnelle, peut être considéré sous certaines conditions comme un handicap. C'est notamment le cas lorsqu'un travailleur est malade pour une longue durée et lorsque sa maladie l'empêche réellement de participer entièrement à la vie professionnelle en comparaison avec d'autres travailleurs qui ne sont pas malades. C'est par exemple le cas lorsqu'une incapacité de travail définitive survient.

 

L'employeur est dans l'obligation de prévoir des adaptations raisonnables pour son travailleur handicapé à condition que cela n'implique pas une charge disproportionnée. Concrètement, l'employeur doit prendre des mesures efficaces et pratiques pour adapter le lieu de travail aux besoins du travailleur handicapé. Il s'agit de l'adaptation des bâtiments, de l'équipement, du rythme de travail et de la répartition des tâches, ou de prévoir des moyens de formation et d'intégration.  

3. Est-ce vraiment nouveau ?

Tout le monde connaît une personne touchée par le cancer. L'arrêt touche une corde sensible. Mais ce n'est certainement pas nouveau ou révolutionnaire. L'arrêt applique la législation existante relative à l'antidiscrimination et la jurisprudence de la Cours de Justice.

 

Ce qui est bien entendu nouveau, c'est que les conséquences (physiques et morales) permanentes du (traitement du) cancer sont considérées pour la première fois avec autant de mots comme handicap.

4. Morale de l'histoire : un employeur peut-il encore licencier une personne atteinte du cancer ?

Franchement, oui ! L'arrêt n'a pas touché au pouvoir de licenciement de l'employeur. Un licenciement est et reste donc toujours possible, avec ou sans répercussions financières pour l'employeur.

 

Si le licenciement est indépendant du handicap, il n'y a alors pas de problème. Il devra être justifié et motivé (par exemple : attitude, motif grave, etc.).

 

Si la résiliation a un rapport avec le handicap, d'autres choses entrent alors en jeu. L'employeur devra vérifier précisément s'il existe toujours une correspondance entre les capacités (restantes) d'un travailleur et la situation professionnelle au sein de l'entreprise. Le cas échéant, il devra apporter des adaptations raisonnables. S'il ne le fait pas, l'employeur est potentiellement redevable de dommages et intérêts.

 

Bien entendu, il n'est pas toujours possible pour l'employeur de réaliser les adaptations techniques ou organisationnelles nécessaires au niveau de l'entreprise. La nature des activités, la taille de l'entreprise, l'infrastructure de l'entreprise, l'organisation du travail et d'autres choses de ce genre peuvent être des facteurs limitatifs qui font que les adaptations ne ressortent pas de ce que l'on peut qualifier de raisonnable. Si l'employeur peut le démontrer, le licenciement ne sera alors pas considéré comme discriminatoire. Il s'agit d'une question de fait.

5. Motivation et le trajet de réintégration

L'obligation d'exécuter des adaptations raisonnables est une idée accueillie favorablement depuis longtemps dans plusieurs dispositions concernant l'évaluation de la santé d'un travailleur en incapacité de travail définitive dans le cadre de sa réintégration. C'est également le cas dans le trajet de réintégration récemment introduit.  

 

Dans un trajet de réintégration de ce genre, il est possible que le conseiller en prévention-médecin du travail (CP/MT) juge que le travailleur n'est plus en mesure d'exécuter le travail convenu. Mais, qu'il est bel et bien en mesure d'exécuter un autre travail ou un travail adapté auprès de l'employeur.

 

Dans cette circonstance, l'employeur doit établir un plan de réintégration en concertation avec le travailleur et le CP-MT. S'il n'y arrive pas, il doit établir en concertation un rapport dans lequel il motive la raison pour laquelle iil n'est pas possible de proposer un autre travail ou un travail adapté.

 

Dans ce cadre, il est important que les travailleurs en incapacité de travail définitive pour le travail convenu puissent être considérés comme des travailleurs avec un handicap.

 

Dans ce contexte, il est important que l'employeur fasse tout ce qui est nécessaire pour prévoir des adaptations raisonnables (comme l'adaptation du régime de travail, l'adaptation de la répartition des tâches…). S'il devait s'avérer que ce n'est pas le cas, une discrimination sur la base d'un handicap peut lui être reprochée.  

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