Dix ans après sa suppression, le gouvernement fédéral a donné une nouvelle vie au bonus de pension légale. La loi en la matière a été publiée au Moniteur la semaine passée. La même loi associe le droit à la pension minimale légale à une condition d’emploi effective.
Accord sur la réforme des pensions
La réintroduction du bonus de pension fait partie d’un accord que le gouvernement fédéral a conclu l’année dernière sur la réforme des pensions légales. Ainsi, outre le bonus de pension, il existe une réforme de la pension minimale légale.
De plus, la péréquation des pensions de retraite et de survie du personnel du secteur public est ajustée. La péréquation est un système où les pensions du secteur public augmentent, en plus de l’indexation, en fonction de l’évolution des salaires des fonctionnaires actifs. Nous n’aborderons pas ce point plus en détail.
Enfin, la loi prévoit également une augmentation de la cotisation dite Wijninckx. Notre bulletin d’information du 22 mai 2024 vous en a déjà informé plus en détail.
Bonus de pension : travailler plus longtemps
Tout travailleur se constitue un bonus de pension légale s’il continue à travailler après la première date de départ à la retraite possible. L’objectif de la mesure est donc d’encourager les gens à rester au travail plutôt que de prendre leur retraite (anticipée). Dès qu’une personne prend effectivement sa pension, la constitution du bonus de pension cesse également.
Les travailleurs pourront déjà commencer à se constituer ce nouveau bonus de pension à partir du 1er juillet 2024, mais le paiement effectif du bonus n’aura lieu que pour les pensions de retraite qui prendront cours pour la première fois à partir du 1er janvier 2025.
Montant net supplémentaire
Le nouveau bonus de pension correspond à un montant qui viendra s’ajouter à la pension légale, et qui sera calculé et payé par le service des pensions. Le bonus peut être constitué pendant maximum trois ans, période au cours de laquelle le montant constitué augmente progressivement en fonction de la durée du « temps de travail supplémentaire ».
Concrètement, il peut s’agir au maximum d’un montant unique de 23.656,06 euros, voire de 35.347,59 euros dans certaines situations (indexés, à partir du 1er mai 2024). Le pensionné peut également opter pour une rente mensuelle. Le bonus n’est soumis à aucune retenue fiscale ou sociale, il s’agit donc d’un montant net.
Le bonus de pension existe dans les différents régimes des pensions pour les travailleurs salariés, les indépendants et les fonctionnaires. Dans ce bulletin d’information, nous nous intéresserons uniquement aux règles applicables au régime des travailleurs salariés.
Le service fédéral des pensions mène une vaste campagne d’information sur le site web www.bonusdepension.be. Vous y trouverez également de plus amples informations ainsi que divers exemples chiffrés.
Pension minimale légale : condition d’emploi effective
Pour avoir droit à la pension minimale légale, il y a, en plus de plusieurs autres conditions, une condition d’emploi effectif d’au moins 20 ans dans un régime de travail à 4/5 (5.000 jours équivalents temps plein effectivement prestés). Seules certaines assimilations bien précises seront admises. Mais il y aura aussi des mesures transitoires pour les travailleurs proches de la pension et des mécanismes de protection en cas de travail à temps partiel (principalement exécuté par des femmes).
1. Ancien bonus de pension
Jusqu’à la fin 2014, notre législation en matière de pensions connaissait déjà un bonus de pension. À l’époque aussi, l’objectif était de permettre aux travailleurs de travailler plus longtemps, une fois qu’ils avaient rempli les conditions d’âge et de carrière pour la retraite anticipée ou qu’ils avaient atteint l’âge légal de la retraite. Ce bonus n’existe plus depuis 2015, sauf si sa constitution a déjà commencé avant 2015.
2. Nouveau bonus de pension
2.1. Pension légale
En termes très simplifiés, un travailleur se constitue une pension légale avec la formule suivante : par année travaillée ou assimilée, le salaire annuel brut (compte tenu d’un plafond) x 1/45 x 60 %.
Plus le travailleur travaille longtemps sans prendre sa pension, plus sa pension légale (et éventuellement sa pension complémentaire) est élevée. Un bonus de pension est à nouveau prévu afin d’encourager les gens à ne pas prendre leur pension tout de suite et à continuer à travailler.
2.2. Qui reçoit le bonus ?
Tout travailleur qui peut prendre sa pension de retraite, mais qui choisit de ne pas le faire et de continuer à travailler, se constitue le nouveau bonus de pension. Dès qu’une personne prend sa pension de retraite, la constitution du bonus cesse, que la personne continue ou non de travailler par la suite.
Seules les personnes qui continuent à travailler après la date de pension possible la plus proche ont droit à un bonus. Il s’agit de :
- la première date possible de la retraite anticipée (en fonction de l’âge et de la carrière de la personne concernée) ;
- ou la date de la pension légale. Actuellement, c’est le premier jour du mois qui suit le mois au cours duquel la personne atteint l’âge de 65 ans. À partir de 2025, ce sera 66 ans, et 67 ans à partir de 2030.
Attention, la réintroduction du bonus de pension se déroule en deux phases :
- le bonus pourra être constitué au plus tôt à partir du 1er juillet 2024 ;
- mais la pension de retraite peut commencer au plus tôt à partir du 1er janvier 2025.
Voici un exemple qui va clarifier les choses. Supposons qu’un travailleur puisse prendre sa retraite anticipée à partir du 1er juin 2024, mais qu’il choisisse de ne pas le faire et de continuer à travailler. À partir du 1er juillet 2024, il se constitue un bonus de pension. S’il prend sa pension le 1er décembre 2024, il n’y aura pas de bonus effectif. Ce ne sera le cas que si la pension commence le 1er janvier 2025.
2.3. Qu’est-ce que le bonus ?
Le bonus de pension est un montant supplémentaire unique, payé en plus de la pension légale. Le bonus est calculé par le service fédéral des pensions. Aucune demande n’est nécessaire, le service des pensions entreprend lui-même les démarches requises et paie le bonus. Ce n’est que si le pensionné opte pour une rente, c’est-à-dire une pension mensuelle plus élevée, qu’il devra le signaler, après que le service des pensions lui aura communiqué le droit au bonus.
Le bonus est net, non imposable et non soumis aux cotisations sociales : les retenues sociales (AMI, solidarité) et fiscales (précompte professionnel) normales ne sont pas d’application.
2.4. À combien le bonus s’élève-t-il ?
La constitution du bonus s’effectue par jour presté, dure maximum 3 ans et prend dans tous les cas fin dès que le travailleur prend sa pension de retraite. Plus le travailleur ayant droit à la pension continue à travailler, sans prendre sa pension, plus le montant du bonus de pension est élevé. Il y a cependant un maximum de 3 ans.
La période maximum de 3 ans correspond à 936 jours en termes de pension. La réglementation en matière de pensions fonctionne en effet avec une semaine de six jours, ce qui fait qu’une année à temps plein comporte 312 jours (ouvrés).
Il doit en outre s’agir de jours de travail effectifs, avec une assimilation limitée pour les jours non prestés. Ainsi, il peut y avoir chaque année maximum 30°jours équivalents temps plein assimilés, pour autant qu’il y ait au moins un jour de travail effectif au cours de l’année. Le crédit-temps (souvent dans la pratique sous la forme d’un emploi de fin de carrière) n’est pas assimilé, ni le RCC.
Le bonus gagné augmente par année travaillée supplémentaire. Le montant est bien entendu proratisé pour les années incomplètes et/ou à temps partiel. Les montants du bonus de pension sont liés à l’indice.
| Montant du bonus de pension (indexé, à partir du 1er mai 2024) |
1re année | 3.927,51 EUR |
2e année | 7.855,02 EUR |
3e année | 11.782,53 EUR |
De cette manière, un travailleur qui continue à travailler à temps plein après la première date de pension possible et ne prend sa pension de retraite que 3 ans plus tard se constitue un bonus de pension total de 23.565,06 euros net.
Pour les travailleurs qui ont une longue carrière à un âge relativement jeune, le bonus de pension constitué peut même être plus élevé.
Pour le travailleur qui a déjà 44 ans de carrière à 60 ans, ou 43 ans de carrière à l’âge de 61 ou 62 ans – et qui peut déjà prendre sa retraite anticipée –, le bonus annuel maximal de 11.782,53 euros s’applique dès la première année de travail supplémentaire. Après 3 ans, le bonus de pension total s’élèvera autrement dit à 35.347,59 euros net.
La loi prévoit néanmoins un plafond de bonus. La somme de toutes les pensions, tant la pension légale que la pension complémentaire, majorée du bonus de pension, ne peut dépasser le montant de la pension maximale des fonctionnaires. À titre indicatif : actuellement, il s’agit de 97.548,92 euros brut par an ou 8.129,08 euros brut par mois (indexés, à partir du 1er mai 2024).
Si ce plafond de bonus est atteint, le service des pensions limite le montant du bonus. Dans la pratique, cela surviendra rarement pour les travailleurs.
2.5. Quand ?
Le nouveau régime sera lancé en deux phases :
- le bonus sera constitué au plus tôt à partir du 1er juillet 2024 ;
- et la pension de retraite pourra commencer au plus tôt à partir du 1er janvier 2025.
3. Modifications de la pension minimale légale
3.1. Pension minimale
La réglementation en matière de pension contient des dispositions qui, sous certaines conditions, définissent une pension minimale.
Pour l’expliquer simplement, le service des pensions calcule d’abord le montant de la pension de la manière « normale », en tenant compte de la durée de la carrière et des revenus de la personne concernée. Si ce montant est inférieur à la pension minimale garantie et si certaines conditions de carrière sont remplies, la pension sera portée à ce montant minimum.
Ici aussi, nous nous limitons au régime des pensions des travailleurs salariés. Nous ne décrivons en outre le régime et les modifications que dans les grandes lignes. La réglementation est très technique et n’est pas pertinente pour la politique des RH d’une entreprise. Si vous le souhaitez, vous trouverez de plus amples informations sur le site web du service des pensions : https://www.sfpd.fgov.be/fr/montant-de-la-pension/calcul/minimum-garanti-de-pension
Dans la pratique, le service des pensions calcule automatiquement le droit à la pension minimale.
3.2. Travail effectif, assimilations limitées
L’une des conditions pour avoir droit à la pension minimale est l’exigence d’une carrière d’au moins 2/3 d’une carrière complète. Concrètement, cela signifie une carrière de 30 ans. Chacune de ces années de carrière doit en outre compter un nombre minimum de jours – différent pour la pension minimale à temps plein ou à temps partiel.
Il ne s’agit pas nécessairement de jours (ou d’années) ouvrés effectifs, il existe un grand nombre d’assimilations. Ainsi, une période de crédit-temps avec allocations ou une période du chômage complet indemnisé est prise en compte.
Pour les pensions qui prennent cours à partir du 1er janvier 2025, une condition supplémentaire s’applique à présent : 5.000 jours ouvrés effectifs à temps plein pour une pension minimale à temps plein, ou 3.120 jours ouvrés effectifs à temps plein pour une pension minimale à temps partiel.
Avec 250 jours par année civile (ce qui correspond à un emploi à 4/5), 20 années d’emploi effectif sont donc nécessaires pour le droit à la pension minimale à temps plein. En cas d’occupation à temps plein (312 jours), un peu plus de 16 ans d’emploi effectif suffisent.
Il s’agit en principe de jours ouvrés effectifs, avec un nombre limité d’assimilations. Le chômage complet n’est pas pris en compte, par exemple. Le crédit-temps, même avec des allocations, ne sera pas non plus pris en compte dans certaines situations.
Il existe toutefois un assouplissement de la condition d’emploi effective pour les périodes de maladie, d’invalidité, d’accident du travail, de maladie professionnelle ou d’internement.
3.3. Dispositions transitoires et valorisation de l’occupation à temps partiel
La nouvelle exigence d’emploi effectif s’appliquera au droit à la pension minimale qui prendra cours à partir du 1er janvier 2025, sauf si le pensionné est né avant 1963.
Les personnes nées entre 1963 et 1969 doivent prouver moins de jours ouvrés effectifs.
Pour le calcul de la pension minimale à temps partiel, il y a en outre une « valorisation » du travail à temps partiel. Les droits à la pension (le nombre de jours) de maximum 5 ans antérieurs à 2002 sont majorés de 25 %. Dans la pratique, ce sont surtout des femmes qui pourront bénéficier de cette mesure de faveur.