Le 23 novembre 2023, la Belgique et les Pays-Bas ont signé une convention sur l’interprétation de la notion d’« établissement stable » en cas de travail à domicile transfrontalier par les travailleurs.
Cette convention indique les éléments sur lesquels un employeur belge peut se baser pour déterminer si le travail à domicile de ses travailleurs néerlandais dans leur pays de résidence (les Pays-Bas) donne lieu ou non à la création d’un établissement stable au sens de l’article 5 de la convention préventive de double imposition.
La convention vaut évidemment aussi dans le sens inverse et peut être appliquée par les employeurs néerlandais pour leurs travailleurs belges qui travaillent à domicile en Belgique.
S’il est question d’un établissement stable, l’employeur doit payer des impôts dans le pays où le travailleur réside sur le bénéfice de l’entreprise qui peut être imputé à cet établissement stable.
Le 23 novembre 2023, la Belgique et les Pays-Bas ont signé une convention sur l’interprétation de la notion d’« établissement stable » en cas de travail à domicile transfrontalier par les travailleurs.
La convention devrait répondre aux nombreuses questions que les employeurs se posent à ce sujet.
1. Cadre
Les travailleurs travaillent de plus en plus à domicile, c’est une évidence. Et cette tendance s’observe aussi dans un contexte international.
Les travailleurs qui habitent aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Allemagne et en France et travaillent pour le compte d’un employeur belge travailleront plus souvent depuis leur domicile.
L’inverse est également valable : les travailleurs qui habitent en Belgique et qui traversaient auparavant la frontière tous les jours pour travailler à l’étranger pour le compte de leur employeur étranger seront également plus enclins à travailler à domicile.
Cela a évidemment des conséquences sur le plan de la sécurité sociale et de la fiscalité. Et ce, tant pour l’employeur que pour le travailleur.
L’une de ces conséquences fiscales réside dans le fait que le travail à domicile peut entraîner la création d’un « établissement stable » dans le chef de l’employeur au sens de l’article 5 de la convention préventive de double imposition.
Au moyen de ladite convention, la Belgique et les Pays-Bas ont tenté d’offrir plus de clarté pour juger si le travail à domicile peut donner lieu ou non à la création d’un établissement stable dans un contexte international.
En effet, dès la création d’un tel établissement stable, l’employeur doit payer des impôts (des sociétés) dans l’État de résidence du travailleur sur le bénéfice de l’entreprise imputé à cet établissement stable.
Pour le bon ordre, la convention ne parle que de la notion d’établissement stable « matériel ». Elle n’aborde pas l’établissement stable « personnel ».
2. Définition d’un établissement stable ?
2.1. Généralités
Pour la notion d’« établissement stable », nous devons nous référer à l’article 5 de la convention préventive de double imposition Belgique-Pays-Bas et à la convention-type de l’OCDE/aux commentaires de l’OCDE relatifs à cet article 5.
Concrètement, on entend par « établissement stable »
- un établissement fixe
- par l’intermédiaire duquel une entreprise exerce ses activités
- en tout ou en partie.
Ainsi, on entend généralement par établissement stable un emplacement physique par l’intermédiaire duquel l’entreprise exerce son activité.
Il peut s’agir d’un bureau, d’une usine, d’une maison, etc. Il est important qu’un certain espace soit mis à la disposition de l’entreprise avec une certaine stabilité dans le temps. Cet espace permet à l’entreprise d’exercer ses activités. Par ailleurs, l’entreprise ne doit pas être propriétaire ou locataire.
3. Le simple travail à domicile n’est pas un établissement stable
La convention entre la Belgique et les Pays-Bas stipule en premier lieu que la simple utilisation d’un poste de travail à domicile n’est en soi pas déterminante pour parler d’établissement stable.
Tout dépend des faits et des circonstances pertinents du cas.
4. Quels sont les critères présupposés par la convention ?
La convention établit la distinction suivante :
4.1. Travail à domicile occasionnel
Lorsqu’un travailleur travaille à domicile de manière irrégulière ou occasionnelle et que le travail à domicile ne fait pas partie d’un schéma de travail fixe, il n’y a pas lieu de constater un établissement stable.
En raison de l’absence de continuité requise, il n’est pas question d’un lieu (de travail) à la disposition de l’employeur.
4.2. Le télétravail est structurel avec la possibilité de travailler sur site
Si le travail à domicile fait partie d’un schéma de travail fixe (ci-après télétravail structurel), il peut être question, selon la convention, d’une situation où le poste de travail à domicile est à la disposition de l’employeur.
Par schéma de travail fixe, on entend une situation dans laquelle le travailleur travaille à domicile plusieurs jours par semaine ou par mois.
La convention établit la distinction suivante :
- Le travailleur travaille structurellement à domicile dans l’État de résidence, mais peut également décider de travailler sur le lieu de travail disponible dans l’État où l’employeur est établi. Dans ce cas, il n’est en principe pas question d’établissement stable ; Comme l’employeur n’exige pas du travailleur qu’il exerce ses activités à son poste de travail à domicile, on estime que le poste de travail à domicile n’est pas à la disposition de l’employeur.
- Toutefois, lorsque le poste de travail à domicile est utilisé en permanence et qu’il ressort clairement des faits et des circonstances que l’employeur exige du travailleur qu’il exécute les activités de l’entreprise à partir du poste de travail à domicile, on peut estimer que le poste de travail à domicile est à la disposition de l’employeur. En d’autres termes, la création d’un établissement stable est réelle.
4.3. Travail à domicile structurel et obligatoire
Lorsqu’un travailleur travaille à domicile de manière obligatoire et structurelle, il peut être question d’un établissement stable.
Peu importe que l’employeur ait un droit juridique (un contrat d’achat ou de location) d’utilisation de ce poste de travail à domicile.
À cet égard, les critères suivants définissent l’existence d’un établissement stable, à savoir :
- L’employeur a-t-il le pouvoir effectif d’utiliser le poste de travail ?
- L’employeur peut-il réellement définir dans quelle mesure l’entreprise y est présente ?
- L’employeur peut-il déterminer les activités qui peuvent y être exercées ?
Selon la convention, un poste de travail à domicile sera en principe mis à la disposition de l’employeur si, par exemple (liste non exhaustive), l’un des scénarios suivants se produit :
- L’employeur exige (contractuellement) que le travailleur exécute les activités ou une certaine partie de celles-ci à domicile ;
- L’employeur n’exige pas contractuellement que le travailleur exécute tout ou partie des activités à domicile. Cependant, il n’y a pas de poste de travail pour le travailleur dans le pays où l’employeur est établi. De ce fait, le travailleur est pour ainsi dire obligé d’effectuer ces activités à domicile. En d’autres termes, l’employeur exige en fait le poste de travail à domicile.
- Le travailleur ne peut pas arrêter unilatéralement l’utilisation du poste de travail à domicile. C’est par exemple le cas lorsque le travailleur n’est pas en mesure d’exécuter ses activités de manière efficace ou conforme à son contrat de travail s’il n’effectue pas ses activités à domicile. On estime alors que l’employeur exige également dans ce cas le poste de travail à domicile (de fait) pour les activités d’entreprise exécutées par le travailleur.
Les critères susmentionnés doivent être examinés séparément pour chaque travailleur individuel.
Malheureusement, la convention n’offre pas une réponse claire pour toutes les situations. Quid dans une situation où le travailleur choisirait lui-même de travailler à 100 % à domicile avec l’accord de l’employeur ? Est-il question d’un établissement stable dans ce cas ? En effet, il n’y a pas d’exigence de la part de l’employeur, mais il est bel et bien question d’un emploi structurel dans l’État de résidence.
5. En pratique
Enfin, la convention prévoit encore un certain nombre de directives pratiques.
5.1. 50 % ou moins de travail à domicile dans l’État de résidence
En règle générale, la convention stipule que lorsqu’un travailleur travaille 50 % ou moins de son temps de travail dans son pays de résidence pour le compte de son employeur, il n’y a pas d’établissement stable.
On évalue ce taux d’occupation de 50 % ou moins pendant une période de douze mois commençant ou se terminant dans un exercice fiscal déterminé.
5.2. Activités préparatoires ou auxiliaires
Il n’y a pas non plus d’établissement stable lorsque cet établissement est détenu pour exercer des activités de nature préparatoire ou des activités ayant le caractère d’une activité auxiliaire pour le compte de l’entreprise.
Exemples : les activités de secrétariat et les activités pour la comptabilité interne, les affaires du personnel (RH) ou le support ICT.
5.3. Conclusion
La convention tente d’apporter un certain nombre de réponses concernant la problématique de l’établissement fixe. La limite des 50 % s’avère utile ici. Malheureusement, dans un certain nombre de situations, nous ne saurons toujours pas tout à fait clairement si un établissement stable est créé ou non dans le chef de l’employeur.
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