Un travail porteur de sens renforce l'engagement

 D'après Laurent Taskin, professeur en RH, la dimension affective est le principal moteur de l'engagement. Toutefois, l'engagement a aussi un côté consciencieux et calculateur. « En tant que manager, vous vous devez de reconnaître le travailleur dans son rôle. Mais il faut également lui confier un travail sensé et être juste. »


Le professeur Taskin distingue trois forces motrices de l'engagement.
« Le moteur de l'engagement est le fait de donner du sens, directement conjugué à la richesse d'un emploi au sens figuré. Les employés doivent pouvoir donner un sens à leur travail. Cette signification va au-delà du résultat pur et simple qu'obtiennent les travailleurs. Le fait de donner du sens est toujours en relation avec autre chose, en particulier avec l'opportunité d'apprendre et avec la possibilité de travailler de façon autonome. Dans certaines Knowledge Intensive Firms, soit des entreprises utilisant la connaissance de manière intensive et active dans la consultance ou dans le R&D, les experts ont parfois l'occasion de consacrer un jour par semaine à une recherche personnelle. Celle-ci doit, bien entendu, être en lien avec le projet d'entreprise.
La reconnaissance constitue le deuxième facteur prépondérant. Un travailleur doit avoir le sentiment que ses supérieurs aussi portent une attention sur sa carrière, son épanouissement et ses attentes. Il faut organiser en suffisance des moments de concertation au cours desquels le directeur prête attention à la manière dont le travailleur se voit évoluer. De la sorte, une carrière pourra s'adapter non seulement aux attentes évolutives de l'individu, mais également à celles de l'entreprise. Le dialogue avec le travailleur doit être aussi actif que possible. Il doit clairement savoir quelles sont ses opportunités éventuelles de développement.
Ce sont ces moments de concertation sur la carrière qui manquent surtout chez les plus de 50 ans. Ce sont eux qui souffrent le plus d'un défaut de reconnaissance. Il leur semble parfois que l'on n'investit plus pour eux, dans leur carrière. Une chose à laquelle les plus de 50 ans sont très sensibles. Un programme de tutorat pourrait par exemple les reconnaître dans un tout nouveau rôle. Ils doivent dès lors ressentir cette fonction comme étant judicieuse. »
La troisième force motrice de l'engagement est ce que j'appelle « le sentiment de justice au travail ». Ce sentiment veut que les travailleurs puissent se ranger moralement derrière leur entreprise et les décisions de cette dernière. Les décisions ressenties comme injustes nuisent en effet à la confiance en la firme : une promotion étrange accordée à un collègue, un licenciement apparemment arbitraire. Pourquoi un travailleur serait-il loyal envers une entreprise dont certains de ses actes ne s'expliquent pas ou sont même injustes ? En tant que manager, vous devez également vous poser la question suivante : « Quand mes décisions paraissent-elles justes ? ». Une autre question encore plus fondamentale est : « Ma politique RH est-elle bonne, autrement dit est-elle également juste ? » Les employeurs qui prennent uniquement des décisions visant à maximiser le profit vont voir l'engagement se réduire au sein de leur entreprise. Les managers qui n'agissent pas seulement en vertu de motifs économiques mais prennent également un contexte social plus large en considération auront plus de succès à plus long terme. »

Il vous est possible de lire l'intégralité de cette interview dans le Scoop sur l'Homme et le travail, n° 33 (paru le 30 juin 2011)

Laurent TASKIN est Docteur en Sciences économiques appliquées et professeur à la School of Management de Louvain (FUCaM) ainsi qu'à l'Institut des Sciences du Travail (UCL). Il est professeur de Gestion des ressources humaines et de Management des organisations. En sa qualité de codirecteur du Center for Research in Entrepreneurial Change and Innovative Strategies (CRECIS), il effectue des recherches sur les organisations en mutation dans les RH, plus précisément sur de nouvelles formes d'organisation du travail et de processus de partage des connaissances

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